Le Tweet : Analyse d’une polémique aussi stérile que plutôt anecdotique

ou Du débat de société à l'heure de l'économie de l'attention

J’aurais pu en prendre des dizaines, centaines, d’autres en exemple, mais la micro-polémique du jour du microcosme médiatique (que tout le monde aura probablement oublié demain) en est un si parfait de l’impact de l’économie de l’attention sur celui ci que je vais vous parler aujourd’hui de « l’affaire » Nassira El Moaddem.

Pour ceux ayant eu la chance de ne pas se faire proposer de contenu dessus par les IAs de recommandation d’un agrégateur de News, je vais la résumer : la fédération française de football amateur vient d’émettre des recommandations quant à l’habillement des joueurs leur interdisant notamment de porter des collants (sauf cas de grand froid), une décision que certains considèrent comme raciste car islamophobe (dans la mesure où ce sont surtout certains pratiquants de l’IslamEnfin d’une version plutôt très rigoriste de celui ci. , souhaitant respecter sa recommandation pour les hommes de n’afficher aucune peau des pieds au nombril qui souhaiteraient en porter pour autre chose que se réchauffer). Surtout que le président de la FFF revendique clairement dans ses motivations les voir comme des « signes ostentatoires » d’appartenance religieuse (une énième extension des polémiques sur le voile, donc, en gros, qui donnèrent déjà tant d’épisodes fameux), et va jusqu’à afficher une attitude quelque peu paranoïaque quant à ceux qui produiraient des certificats médicaux pour justifier d’en porter (craignant un « détournement du principe de neutralité sous prétexte médical », et annonçant que même dans ce casCe que je trouve le plus douteux personnellement, de quel droit se considère t'elle autorisée à refuser l'application de décisions médicales ? Et sur quelles bases va t'elle baser sa géométrie variable ? Il y a toutes les chances que ce soit si joueur et médecin ont des noms a consonance arabe on se méfiera des certificats. la fédération n’acceptera leur port qu’au cas par cas). Ce que RMC Sport résume dans cet article.

 

Hésitation entre une réaction réfléchie et une autre.Le Tweet

Article auquel va bientôt réagir Nassira El Moaddem, journaliste militante notamment animatrice sur le site Arrêt sur ImagesMédia que je connais bien pour faire partie depuis une décennie de son public le plus assidu. Ne m’étonnerait pas d’ailleurs que les IAs de recommandation l’aient noté et que ce soit la raison pour laquelle me fut proposée ce matin un article de la gazette extrême-droitière Le Journal du Dimanche, cassant du sucre sur le dos de ladite Nassira, et supposé déclencher ma colère en tant qu’élément de la tribu des asinautes, et donc de l’engagement de ma part. de l’émission du même nom. Elle pourrait le faire de divers manières, par exemple se lancer dans la rédaction d’une tribune sur le sujet (que ne manquerait pas de publier le site qui l’emploie, les connaissant), ou même, quitte à y réagir par un Tweet, exploiter la fin de la limitation en caractères de ceux ci, pour, je ne sais pas, poster quelque chose d’argumenté et susceptible de convaincre des gens n’étant pas déjà d’accord avec ses vues que cette décision (ou les propos de la FFF, ou l’article qu’en tire RMC Sport, on ne saura même pas vraiment à quoi elle réagit au final) serait problématique.

Au lieu de quoi elle décide d’aller au delà même des rêves les plus fous des créateurs du modèle Twitter, en exprimant sa réaction la plus émotionnelle possible par un message aussi lapidaire que provocateur de très exactement 14 mots et 53 caractères, semblant entièrement conçu pour susciter en réponse le maximum d’engagement négatif du camp adverse. « Pays de racistes dégénérés. Il n’y a pas d’autres mots. La honteL’oubli du point après honte pouvant être interprété comme un indice d’une réaction instantanée, relevant d’un réflexe conditionné par les réseaux plutôt que réfléchie. « . Nassira El Moaddem n’est pourtant pas une imbécile (pour suivre les émissions qu’elle présente, je la connais comme un esprit plutôt très brillant ; et, travaillant pour un site de critique des médias, ne pouvant que savoir quel genre de réactions cette intervention va entrainer). Elle ne peut certainement pas ignorer que quand on s’appelle El Moaddem, accuser la France dans son ensemble de racisme (ou de quoique ce soit d’autre, d’ailleurs) ne peut avoir pour conséquence que de le renforcer (ou au minimum de susciter des réactions hostiles de gens s’en sentant accuser à tort, s’agissant d’une réaction à une décision qu’ils n’ont pas personnellement prise). Et qu’ajouter « dégénérés »Qui a perdu les caractéristiques de sa lignée, de son espèce, dans le dictionnaire. à cette accusation, ne pouvait qu’aboutir à voir l’accusation de racisme se retourner contre elle. Et enfin que l’employer en prime dans une discussion relative à un interdit de l’Islam, pouvait permettre à ses critiques de l’interpréter comme « elle considère dégénéréDans l’autre sens qu’à pris ce terme à force d’utilisations abusives, celui d’immoral. qu’on ne les respecte pas » (et d’en profiter pour sortir leurs habituels couplets sur « l’islamo-gauchisme« ).

J’ignore si quoique ce soit de la sorte a le temps de lui traverser la tête avant qu’elle appuie sur le bouton bleu. Il se peut après tout que oui. Il y a une croyance assez répandue dans certains courants de gauche (dits wokes par leurs critiques) selon laquelle faire apparaitre le racisme au grand jour favoriserait de le faire reculerNonobstant que la progression de l’extrême-droite depuis que la gauche des réseaux a massivement adopté cette démarche me semble plutôt démontrer le contraire. . Et avec un tel message elle ne pouvait qu’en faire apparaitre un paquet. Il se peut aussi, dans la catégories wokeries, qu’elle ait volontairement choisi de se montrer la plus extrême que possible, pour bien marquer d’avance son refus d’obéir à toute forme de tone policingSelon des théories venues du féminisme et s’étant par la suite propagées à d’autres groupes se considérant oppressés, recommander à ceux ci de modérer leurs propos serait en soi une forme d’oppression, plutôt que le meilleur conseil qu’on puisse leur faire, compte tenu du fait qu’ils sont à la merci d’un groupe dominant susceptible de réactions épidermiques à tout propos qui ne serait pas assez mesuré. . Ou encore qu’elle se soit faite un devoir de réagir ainsi par adhésion au principe GramsciStratège de l’anti-fascisme des années 20, toujours célébré aujourd’hui à gauche, nonobstant que son approche du combat politique basée sur la recherche d’une hégémonie culturelle et la multiplication des conflits qui en découlent n’a jamais le mieux marché qu’une fois massivement récupérée par l’extrême-droite (dont pour s’offrir une justification à voir partout des complots marxisto-culturels). (Pas taper, je caricature, il est réellement un penseur très intéressant, il y a juste un petit mais.)en de journalisme intégralSe dédiant à la démystification des discours des dominants, où on pourrait classer celui consistant à traduire on va interdire un truc de plus aux musulmans par laïcité. .

Mais même en imaginant qu’elle ait trouvé le temps de se chercher d’autres motivations qu’exprimer son ressenti de l’instant avant de le faire, je ne pense même pas qu’elles soient si idéologiques que ça. Plus probablement comme toute utilisatrice des réseaux sociaux elle a avant tout considéré son public (et plutôt celui des gens d’accord avec elle, susceptibles de lui apporter sa dose de dopamine en approuvant son propos, qui se devait d’être le plus lapidaire possible pour bénéficier d’un maximum de leur attention). Dans certains cercles poster une accusation de racisme ce n’est finalement pas bien différent que de poster une photo de son chat (et plus l’accusation est massive plus ce chat est traité comme mignon). Il se peut même qu’elle ait succombé au rêve américain de la viralité (qu’elle soit ou non négative) en réalisant à quel point le thème était porteur. Football,  réseaux et identitéAu sens de racisme, bien entendu. , ça ne vous rappelle rien ? C’est rien de moins que les thèmes de la dernière série à la mode de Canal+, La Fièvre d’Eric Benzekri, comme Baron Noir avant elle particulièrement appréciée et commentée par nos élites médiatiques. Un joyeux conte décrivant la France comme au bord de la guerre civile (sur lequel je reviendrai surement tant il flirte régulièrement avec le sujet de l’économie de l’attention, tout en échouant hélas à vraiment l’aborder), et le football comme le terrain où pourrait s’allumer la mèche qui ferait tout péter. Comment ne pas s’inspirer d’une proposition qui offre tant de perspectives en terme de viralité ? M’enfin si la mèche peut se trouver là c’en est presque une d’entrer dans l’Histoire. Avec plus d’indulgence on peut aussi considérer qu’elle a réalisé le potentiel en matière d’attention du sujet, et décidé de l’accaparer pour ne pas laisser les islamophobes seuls en bénéficier en y réagissant (ou avec moins d’indulgence pour se faire un coup de pub en prime, à elle et aux médiasOn aurait même vu des employés de Bolloré prononcer ou écrire les mots Arrêt sur Images suite à cet incident, alors qu’ils ont pour consigne d’absolument éviter de mentionner ce site d’habitude. auxquels elle est associée).

L’hypothèse la plus absolument probable sur un réseau social demeurant qu’elle ait juste réagi, sans vraiment penser consciemment à quoique ce soit (ce qui n’empêche pas que tout le reste ait pu jouer).

 

La Réaction

Quelles que soient les raisons qu’elle ait eu pour déclencher la tempête de merdeTraduction de Shitstorm, l’expression anglophone consacrée. qui allait s’ensuivre, elle a parfaitement atteint son objectif en terme de résultat attentionnelAinsi que d’autres si on considère celui de faire apparaitre du racisme au grand jour. . Intéressons nous donc maintenant à celle ci.

Je passerai rapidement sur celle ayant certainement eu lieu en premier sur Twitter/X, la consultation de discussions sur ce réseau sans se voir forcer d’y créer un compte étant devenue quasiment impossible je me dois de reconnaitre que je ne l’ai pas du tout suivie. Mais je ne m’avance pas trop en imaginant que les toutologues locauxEnthoven et compagnie. y ont certainement réagi, de même que pas mal des autres éléments essentielsFachosphère, wokies caricaturaux (dont un certain nombre de trolls les imitant), indigénistes, républicains-printanniers, charlistes, surtoutpascharlistes et surtout charles-martel-istes, trolls blagueurs ou menaçants, activistes de la cause sociétale de leur nombril, mâles alpha bêtes, journalistes de tout bords mais quand même surtout de la presse Zemmourisée, universitaires méconnus tentant vainement de relier leurs travaux n’intéressant personne au sujet, politiciens de troisième zone, chargé du compte twitter d’un ministre qui passe par là, wanabee influenceurs y trouvant l’occasion de faire la publicité de leur chaine Youtube ou blog, ou groupuscule pour les plus militants, robots là pour amplifier les propos des uns ou des autres. Et éventuellement même l’être humain égaré tentant de faire la part des choses et de penser par lui même, se faisant comme de juste violemment prendre à partie par tous les camps.   de cet écosystème, faisant la réputation de ce réseau en matière de débats de société de haute volée.

Il est plus intéressant de s’intéresser à comment la presse BolloréA l’heure où j’écrivais la totalité des articles relatifs à cette affaire que l’on trouvait dans l’onglet actualité de Google à cette affaire étaient de celle ci, JDD ou CNews, ou du site personnel de Jean-Marc Morrandini, un de ses employés, hors quelques uns publiés par ce qui ressemble au blog d’un syndicaliste policier d’extrême-droite (je ne sais pas d’où il a obtenu l’honneur d’être présenté comme news par Google). Plus tard vint la réaction d’Arrêt sur Images à ceux ci, puis d’autres titres de gauche. s’est emparée du sujet, cet article du Journal du Dimanche ouvrant le bal.

Son article est assez fascinant, presque autant que le tweet qui l’a précédé, comme bonne application des recettes visant à obtenir une attention maximum.

Déjà mettre la citation en premier, dans le titreOn notera d’ailleurs qu’ils ont optimisé leur SEO en la répétant aussi à moitié dans l’accroche, puis encore dans le corps de l’article, et en glissant en prime Nassira El Moadden insulte la France (autre requête à couvrir qu’a dû leur indiquer un outil SEO) en champ alt= de l’image accompagnant l’article, bien que ce ne soit pas la sienne mais celle d’un téléphone branché sur X (à une époque lointaine le champ alt d’une image servait à décrire son contenu des fois qu’elle ne s’affiche pas – enfin bon moi aussi j’y met plutôt des choses destinées au référencement de nos jours). , suivie du nom d’un des médias pour lesquels elle travailleChoisissant Arrêt sur Images, un titre que leur public doit cataloguer comme islamo-gauchiste, plutôt que France Inter pour laquelle elle produit des contenus aussi, qui aurait risqué de susciter des réactions plus neutres. et de (ses propos) « ont suscité un tollé »Manière de faire croire qu’ils auraient déjà eu un large écho, alors qu’il ne s’agit que d’une polémique Twitter au stade où ils en parlent. Et qu’il y en a quasiment tous les jours là bas. , puis n’évoquer son contexte (en termes choisis) que dans la plus petite accroche (« après la publication d’un article révélant l’interdiction du port de casques ou de collants dans le football dans l’objectif de limiter les entorses à la laïcité‘ » – on notera l’habilité consistant à mettre l’affirmation qu’aurait probablement souhaité contester Nassira El Moaddem, que l’objectif soit « de limiter les entorses à la laïcité »Ce qui impliquerait que porter des collants ou casques en soit une. dans une phrase se présentant comme un résumé neutre du contexte ; et aussi celle d’y mentionner le rappel sur les casquesQui pour autant que je sache ont toujours été interdits par les règles internationales du football hors impératif médical. , pour rendre encore plus ridicule d’assimiler les décisions de la fédération à une illustration de racisme, en particulier français).

Vient ensuite encore un rappelComme déjà dit dans une infobulle plus haut, ils ont vraiment soigné leur SEO, ils couvrent même la requête de quelqu’un s’intéressant réellement aux nouvelles interdictions dans le football. (quasi mot pour mot) de ce même contexte au début du corps de l’article, puis une série de citations (de tweets) qui constitueront, avec la citation d’une source anonyme au sein de la FFF, quasiment le seul contenu de l’article (au point que je me suis demandé si derrière Kevin Tanguy, le pseudo sans bio choisi pour le signer, ne se cacherait pas une IA – en fait ce journaliste semble bien exister, publiant dans plusieurs titres, s’il n’est peut être pas nécessairement le mieux placé pour se réclamer de la défense de la laïcité).

Pour revenir à ces tweets ils sont aussi très bien choisis pour donner une espèce de sentiment de crescendo, tout en soulignant l’importance du « Tollé » qu’auraient suscités les propos de Nassira.

On y trouve d’abord l’ami Noir destiné à éviter toute accusation de racisme, qui s’avère aussi être un policier,Ce qui évite à Valeurs Actuelles, pardon le JDD, de choquer son propre public : ouf le Noir dont on cite les propos est un bon Noir., du nom d’Abdoulaye Kanté, lequel se contente de poster « Il faut doser un peu. »Terrible illustration d’un tollé s’il en est (remarque pouvant tout autant concerner la forme que le fond du propos, on ne le saura jamais, ce tweet parvenant à être encore plus court que celui de El Moaddem elle même). Mais quand même ça a ce petit effet « si même des enfants d’immigrés le disent ».

Ensuite vient une citation plus agressive du porte parole de Julien Aubert, dirigeant d’un groupuscule souverainiste dont le nom semble inspiré de Debout la FranceEt qui comme le mouvement de Dupont-Aignan, allié de Marine Lepen, se réclame du Gaullisme. (désolé si j’ai la flemme de rechercher beaucoup plus d’informations sur celui ci), lequel trouve judicieux de renvoyer à la face de ceux « qui pensent que montrer un genou quand on joue au foot est impudique » l’accusation d’être des dégénérésC'est toi qui l'est, bonjour le niveau de débat, même sans compter le sous-entendu raciste.. A mon avis cette citation judicieusement placée vers son milieu est le placement de produit de l’article, profiter de la polémique pour faire un peu de pub à un politicien idéologiquement proche, en train d’essayer de se gagner un public sur les terres du RN et compagnie.

Puis comme cerise sur le gâteau une citation de Marsault, dessinateur de BD assez notoirement ultra droitierSuprémaciste blanc affirmé, défendant des théories du complot comme le grand remplacement version Renaud Camus, convaincu que la société multiraciale ne peut mener qu'à une boucherie (citation du genre de prophéties hallucinées qu'il sort parfois), s'il reste plus connu pour son humour viriliste tendance beauf., de loin la personnalité la plus connue de celle citées, sortant un dérivé du classique « la France tu l’aime ou tu la quitte » à l’attention d’El Moaddem.  On pourrait s’interroger sur le choix de citer quelqu’un d’aussi extrême (et alors qu’il n’émet là qu’un lieu commun que bien des xénophobes plus ordinaires ont dù aussi adresser à Nassira). C’est en fait assez habile. D’une part c’est un sifflet à chiensDogwhistle en vo, signe de connivence que ceux appartenant à une certaine tendance politique (et ennemis s'intéressant à elle) reconnaitront facilement, mais pouvant passer inaperçu aux yeux d'un public moins initié. destiné à une part du public du journal. Mais surtout le mentionner maximise la double viralitéViralité suscitée par des réactions à la fois négatives et positives de diverses parts du public, qui idéalement en viennent à s'affronter en commentaires s'il est partagé sur un espace neutre, et donc en publier d'avantage, accroissant l'engagement tel que mesuré par la plupart des IAs de recommandation. Ce n'est en fait pas du tout l'intérêt d'une presse se souciant de viralité de ne pas offrir d'arguments au camp d'en face. Lui donner des angles d'attaque comme peut l'être une citation de personnalité aussi contestable augmente les chances qu'il réagisse et ce faisant contribue à la visibilité d'un contenu (exactement comme l'emploi d'un mot comme dégénérés dans le tweet d'El Moaddem, offrant un angle d'attaque à ceux souhaitant l'accuser de racisme anti-blancs ou d'islamo-gauchisme a augmenté la viralité de celui ci). de cet article, sachant que la gauche des réseaux s’obsède régulièrement du cas de Marsault (du fait de son influence dans la jeunesse, assez rare pour une personnalité culturelle aussi nettement d’extrême-droite) et va forcement s’indigner qu’il soit ainsi cité comme si de rien n’était.

Enfin vient, après une vague mention de gens adressant des insultes ou menaces à Moaddem (à ne pas confondre, à en croire leur évocation séparée par le JDD, avec ceux qui ne font que traiter les musulmans de dégénérés ou l’inviter à retourner dans « son pays »), la citation de la source anonyme de la FFF qui joue, dans un article en renfermant si peu, le rôle du rappel au réel. Un spécialiste le dit, il y aurait bien un problème relatif à la laïcité, avec les musulmans, dans le football amateur, ce qui règle la question.

Ayant déjà réussi à consacrer facilement 3 fois sa longueur à un article qui n’en méritait pas tant, je passerai plus rapidement sur la suite. La deuxième vague prend surtout place dans les talks-shows de la chaine d’extrême-droite CNews, tel celui de Pascal Praud (qui a toutes les raisons d’avoir une dent particulière contre une journaliste d’Arrêt sur Images, sachant que l’Heure des Pros doit y être la seconde émission la plus souvent critiquée, juste après TPMP d’Hanouna, l’ultra-marronnierSujet revenant régulièrement dans un média. local) et celui qu’anime Morandini (qui ne doit pas l’adorer non plus, ASI prenant un malin plaisir chaque fois qu’il est mentionné à rappeler sa condamnation pour agressions sexuelles). Comme d’habitude c’est là qu’il y aura le plus de dérapages, que ce soit des animateurs ou de leurs invités, notamment le député RN Julien Odoul, qui bien qu’il soit a priori un xénophobe plus ordinaire, sort à l’intention d’El Moaddem à peu près la même chose que Marsault (qu’elle devrait retourner dans « son pays »Qui sauf erreur de ma part est la France, qu'elle dise en avoir honte ou pas.), et sur un ton d’injonction qui le rend pire.

 

Les réactions à la réaction de la Réaction (et bientôt ses réactions à ces réactions ?)

Suite à quoi ASI puis d’autres titres de gauche et quelques politiques réagissent (à ça et au harcèlement qu’est naturellement en train de subir Nassira El Moaddem sur les réseauxCe qu'elle s'est pris sur Twitter le premier jour ne devant pas être grand chose par rapport à ce qu'elle se prend maintenant que des chaines nationales (en particulier celle au public le plus dangereux) l'ont désignée comme cible. Qu'on la considère ou non pas vraiment tout à fait innocente dans son déclenchement, et qu'on considère qu'elle a eu tort ou pas, ça ne mérite certainement pas qu'on l'abreuve de menaces de mort ou de viol.).

Je ne vais pas analyser leurs articles (et encore moins les réactions à ces réactions etc.) vu qu’on a l’impression de les avoir lus avant de les lire. C’est encore plein de citations de tweets et autres propos divers, et ça se concentre évidemment bien plus sur les « débats » (pour être poli) sur sa personne qu’ont suscité le tweet (voire des polémiques dans la polémique), que sur ce qu’elle voulait dire ou non de l’interdiction de certaines tenues vestimentaires dans le football. Un peu comme si leurs auteurs avaient réalisé que pas grand monde en fait se soucie réellement du sujet des celles autorisées aux 0,x% de la population qui souhaiteraient peut être porter des collants même quand il fait chaud, mais jugeaient néanmoins essentiel de commenter sans fin des réactions outragées à une réaction ennervée à cela  (comme dirait un personnage de La FièvreProbablement Natacha Kinski., peu importe la mèche quand l’explosion est là). Puis de toutes manières, même si des gens s’en souciaient, plus aucun d’entre eux n’a aucune chance de changer d’avis là dessus, vu comment le débat a tourné avant même d’avoir eu lieuOu au contraire, selon comment on voit les choses, il avait en fait déjà eu lieu, il y a bien des années et durant bien des années (tout partant de l'affaire des voiles de Creil au millénaire dernier), ce qui avait entrainé une certaine redéfinition de la laïcité et de ce qui pouvait être qualifié de prosélytisme religieux par nos dirigeants successifs (en particulier Sarkozy, ce qui certes pourrait donner quelques arguments pour accuser la France de racisme, elle l'a même élu), ce dont a tenu compte une décision un peu plus récente du Conseil d’État, sur laquelle la FFF dit avoir basé la sienne. C'est encore plus amusant quelque part de se rappeler que tout cet écharpage part d'une question tranchée par des décisions de l'état Français depuis environ 15 ans..

 

Le Bilan

Le plus intéressant (pour moi) de toutes manières ici n’est évidemment ni l’un (les histoires de tenues vestimentaires) ni l’autre (le tweet et réactions à celui ci), mais comme toute cette séquence (j’allais écrire « ce débat » mais même « cette polémique » serait trop flatteur pour ce truc où tout échange d’idées est absent) est une pure production de l’économie de l’attention.

Selon combien de médias et personnalités remettront une pièce dans la machine (je parierais sur Hanouna assez rapidement), je m’avançais peut être un peu vite plus haut à dire que cette histoire serait oubliée « demain », mais elle le sera très certainement dès qu’un sujet un peu plus important que des tweetsPotentiellement à peu près tous le peuvent, donc. (si ce n’est des tweets plus récents) la feront descendre dans les priorités des IAs de recommandation gouvernant notre attention (et en particulier celle du monde médiatique, trouvant sur Twitter à quoi dédier des sujets).

Ce qui fera sans doute que pas un n’en consacrera un à en dresser le bilan, je vais donc le faire pour eux :

* probablement personne n’aura changé d’opinion sur des histoires de tenues vestimentaires autorisées ou non dans le  football amateur, ni sur le rapport ou non de la laïcité avec cela, ni sur l’existence ou non d’un important racisme systémique en France, suite au tweet de Nassira El Moaddem,

.. mais quelques poignées se sentant injustement provoquées auront probablement développé une hostilité nouvelle envers les personnes comme elle (selon les cas de sa tendance idéologique, de sa tendance comportementale, du média pour lequel elle travaille, de la religion à laquelle elle est associée, voire de sa « race »)

… quelques autres auront pu se sentir confortées dans leurs opinions , celles qu’elles avaient déjà au sujet de l’existence ou non d’un large racisme systémique en France (dans un sens ou dans l’autre, ceux refusant de le reconnaitre ayant probablement vu dans son intervention une illustration que ceux qui l’évoquent le font pour soutenir l’islamisme) ; ou sur la laïcité (soit comment elle est instrumentalisée, soit sur les menaces qui pèseraient sur elle de la part de minorités religieuses « détestant la France »), entrainant d’avantage de détestation, des « laïcards » dans un cas, des musulmans dans l’autre

* probablement personne n’aura changé d’opinion sur la pertinence ou pas de l’inviter à quitter le pays ou à se taire, suite aux émissions de Praud, Morandini et compagnie ou aux dénonciations ultérieures de leur propos

… mais quelques poignées les trouvant, eux ou leurs invités, racistes auront probablement développé une hostilité nouvelle envers les personnes comme eux (de leur tendance idéologique, comportementale, voire, j’espère pas, de leur origine ethno-culturellePour ne pas dire Français de souche. ou de leur « race ») ainsi peut être (là j’espère) qu’au grand patron qui emploie tout ce monde et les a chargé de développer une espèce de Fox News à la Française

… probablement bien plus de poignées, vu leur publicEt le racisme qui existe bel et bien en France., ont dû se sentir confortées dans les opinions xénophobes, islamophobes ou gauchistophobes qu’ils avaient déjà en entendant leurs propos

… quelques unes de même, du public plus limité des titres de gauche les ayant évoqué ont été confortées dans les leurs, et détesteront d’avantage les réacs

* Nassira El Moaddem aura été et sera probablement harcelée un peu plus que d’habitudeFemme, d'origine maghrébine, travaillant pour un média de gauche, qui ouvre sa gueule, et en plus sur Twitter, et parfois pour défendre les musulmans, je doute que ce soit très exceptionnel pour elle. durant les x mois qui suivront (puis même l’extrême-droite lâchera l’affaire) ; elle aura aussi probablement perdu quelques opportunités de travail, notamment avec Radio FranceQui lui a offert un joli lâchage en rase campagne tout à l'heure.

* Aucun de ceux ayant favorisés son harcèlement n’auront vu leurs positions médiatiques menacées (il se peut éventuellement par contre que quelques quidams, soient inquiétés pour des propos à son encontre tenus sur les réseaux, comme vu dans des affaires précédentes (Nadia Daam, Mila Orriols) ; expérience dont ils sortiront pour la plupart confortés dans les idées qui leur ont fait émettre menaces ou injures, auxquelles s’ajoutera une détestation nouvelle pour les « juges rouges » les ayant condamnés à quelque amende)

* Les IAs de recommandation (si elles pouvaient penser) auront pu se féliciter du nombre de messages échangés autour de cet incident, qui leur a certainement permis d’affiner un peu plus les profilages politico-psychologiques des participants

* Les plumitifs les moins inspirés auront aussi fait une bonne affaire, avec cette occasion de produire des articles ne nécessitant que de copier ou paraphraser des tweets et autres citations lapidaires de talk shows (le jour où leurs patrons se rendront compte que leur paresse les rend d’autant plus remplaçables par des IAs, cette affaire deviendra par contre un peu moins bonne)

* Un certain nombre de sujets des milliers de fois plus importants pour l’humanité en auront profité pour ne pas être traités par leurs médias dans ce laps de temps (« coco y’a du tweet à citer là, t’emmerde pas avec le réchauffement climatique ! »).

* Du fait de tous les gens confortés dans telle opinion qu’ils avaient déjà, ou telle autre, et bien moins souvent sur des idées que sur d’autres gens (et des biens moins nombreux y ayant peut-être trouvé les raisons d’une colère nouvelle) la polarisation de la société aura un tout petit peu augmenté.

De manière infime mais c’est l’accumulation de ces hausses infimes qui…. Jusqu’ici tout va bien.

 

ps : petite erreur de ma part, la première émission de CNews ciblant Nassira El Moaddem (le talk show de Morandini où intervient Julien Odoul) est diffusée à midi le premier mai, une quinzaine de minutes avant la publication de l’article du Journal du Dimanche (joli tir synchronisé) ; par ailleurs le JDD a une raison logique de la décrire comme employée d’Arrêt sur Images plutôt que de Radio France, Nassira n’ayant aucune collaboration avec le service public en cours, ses dernières émissions diffusées par France Inter remontant à 2022 (je n’édite pas le corps de l’article vu que ça ne change pas grand chose) – voir résumé vidéo publié par ASI

Images réalisées avec https://imgflip.com/memegenerator. Étant allergique aux rebrandings, j'emploie Twitter plutôt que X mais il s'agit évidemment du réseau renommé ainsi par Elon Musk.

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