Il est difficile de s’intéresser à l’Intelligence Artificielle sans constater quel genre d’utilisateurs et secteur ont appris le plus rapidement à l’exploiter le mieux. Sans surprise, comme de toute évolution technologique précédente (depuis la photo ou par là), c’est ceux s’intéressant à ce qu’elle pouvait offrir à la pornographie qui ont appris en premier à s’en saisir, que l’on parle d’amateurs, qui ont multiplié les astuces permettant de détourner des modèles (prétendument) non destinés à ça pour en produireEt y compris de la très douteuse, deepfakes, contenus pédophiles, etc. , dès leurs toutes premières diffusions, et maintenant de tout un secteur économique en pleine explosion, celui des « Virtual Girlfriends« , promis à peser des milliards dans les années à venir. On en est au stade où, devant les indéniables succès de celui ci à humaniser ses chatbots et maximiser l’exploitation de l’effet Eliza chez leurs utilisateurs, les producteurs des principaux modèles génératifs commencent à s’en inspirer (voir par exemple la nouvelle voix et comportement de ChatGPTo, qui tout autant que du film « Her » semble inspirés d’applications comme Replika).
Mû évidemment par un intérêt strictement scientifique😉 , j’ai me suis donc immergé quelque temps dans cette sphère, m’enfonçant toujours plus loin dans le trou du lapin que proposent les IA de recommandation aux personnes s’intéressant au sujet. Ne me contentant pas d’un survol des applications visant à initier le grand public à ce nouveau loisir, j’ai pénétré jusqu’aux tréfonds des communautés des adeptes les plus passionnés de ces nouveaux outils et de ce qu’ils pouvaient offrir, dans le but, bien entendu, de pouvoir en présenter un tour d’horizon.
Les « virtual girlfriends » c’est quoi ?
Le point commun des applicationsPour certaines web pour certaines mobiles. de petites amies virtuelles est d’utiliser des modèles génératifs de langage réglés pour jouer le rôle d’une personne fictive ayant une relation intime avec l’utilisateur (ou avec un personnage que celui ci décide de jouer), laquelle peut être plus ou moins affective ou strictement sexuelle (typiquement l’usage qu’en font leurs utilisateurs est similaire à du sexting entre humains, si ces chatbots ne sont pas limités à ce type de sujet ; il est possible d’avoir des discussions avec eux à peu près aussi riches et variées que celles que proposent les chatbots en général, sur des sujets philosophiques ou autres).
On pourrait voir le genre « virtual girlfriend » comme une sous-catégorie des sites ou applications proposant des conversations avec des amis virtuels incarnés par des IAs (il en existe aussi des versions strictement amicales, dédiées à jouer des rôles de bons potes, de coachs de vie, de thérapeutes, de personnages humoristiques farfelus, de grandes figures historiques, célébrités etc. – Voir Character.AI, pour l’exemple le plus connu de site proposant ce type d’amis virtuels), sauf que ce qu’on constate dès lors qu’une plateforme propose les deux c’est que bien entendu la version « petite amie »Le public de ces applications étant en très large majorité masculin et hétérosexuel, comme la désignation généralement adoptée de virtual girlfriends pour ces applications en témoigne, j’emploie le féminin, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas aussi sur certains sites une offre de petits amis virtuels masculins pour les moins nombreuses femmes qui s’y intéressent, ainsi que des déclinaisons de toutes les orientations sexuelles et genres Tumblr possibles. qui rencontre de très loin le plus de succès, d’où j’aurais plutôt tendance à considérer l’existence de ces autres options comme une stratégie de communication d’une partie du secteur, visant à faire oublier qu’il vit avant tout de la pornographie et/ou de l’exploitation de la détresse affective de ses clients (en fait comme on le verra plus loin le secteur se divise surtout entre plateformes plutôt axées sur l’une ou sur l’autre) et que les rares sites proposant du roleplay avec IAs à ne pas proposer de personnages « virtual girlfriends » sont régulièrement détournés par leurs utilisateurs pour s’en créer quand même. Si certaines compagnies du secteur insistent d’avantage sur les autres types de personnages qu’ils proposent, la partie immergée de l’iceberg est évidemment la plus grosse (et particulièrement d’un point de vue financier, pour les applications qui réservent les dialogues épicés ou la génération d’images érotiques à des catégories premium d’utilisateurs). On pourrait donc inverser cette catégorisation : les applications d’amis virtuels non officiellement destinés à être sexualisés sont une sous-catégorie de virtual girlfriends destinée à un genre de clients qui n’a rien de nouveau, qui ne cherche que de la compagnie (enfin ou illusion de).
Ce que ces applications sont aussi c’est une forme de jeu, de jeu de rôles en particulier. L’IA est un PNJ, et l’utilisateur se donne lui même généralement un rôle (fut il celui d’une version de lui même qui fréquenterait ce personnage fictif), voire agit également comme le maître de jeu de la partie, capable de fixer le contexte du dialogue (dire à l’IA ce qui se passe dans l’univers fictif de leur jeu ; si elles peuvent parfois aussi dire « il se passe ça », l’utilisateur en conserve généralement le contrôle, il peut contredire l’IA sur les « faits » mais pas l’inverse, il est à la fois un personnage de l’univers virtuel ou les deux évoluent et son dieu presque tout puissant). C’est particulièrement vrai dans le cas de la gamme de sites proposant à leurs utilisateurs de créer des « fantasies » (petites histoires typiquement basées sur des fantasmes, servant de contexte renseignant les chatbots et leur donnant des exemples quant à comment réagir aux propos de l’utilisateur), sur laquelle je reviendrai plus loin. Si on considère la très grande pauvreté du jeu vidéo pornographique, un secteur dominé par des visual novels typiquement très linéaires et des casse têtes détournés sans rapport avec leur sujet (ce qui ne l’empêche de peser des milliards et de grignoter peu à peu du terrainAu point que l’ayant réalisé la multinationale Aylo (ex Mindgeek) le leader incontesté du secteur de la pornographie en ligne, propriétaire de Pornhub, XVideo, etc. entre autres, investit surtout dans le jeu vidéo érotique dernièrement, à travers la plateforme Nutaku qui est en train de devenir à celui ci ce que Steam est au jeu vidéo en général. Vues ses politiques de collectes de données (Nutaku s’autorise à tout enregistrer des comportements de ses utilisateurs) il ne m’étonnerait pas qu’il se lance aussi dans les virtual girlfriends prochainement, si ce n’est déjà fait (je n’ai pas trouvé d’application de ce style qui lui appartienne mais ce groupe est rarement très bavard sur ses investissements). par rapport à la pornographie à acteurs réels) il est évident qu’il y a une niche énorme de joueurs déjà habitués à se masturber devant des pixels qui ne peuvent qu’être attirés par une forme infiniment plus interactive de communication avec eux.
Enfin leurs services sont évidemment très similaires à ceux que proposaient bien avant eux les minitels roses (et avant les téléphones de même couleur, et entre temps certainement bien des sites web à personnel humain). Par rapport au secteur d’activité qui fit la fortune de Xavier Niel, la seule différence est que l’opératrice moustachue et cinquantenaire jouant le rôle d’une bimbo de 18 ans naturellement impressionnée par l’impressionnante virilité du client, a été remplacée par une IA ne faisant rien de très différent. Il s’agit donc aussi de remplacement, concernant une certaine catégorie de travailleuses du sexe (ne se limitant d’ailleurs pas à celle ci, les sites de virtual girlfriends s’enrichissant de génération d’images, et pour certaines de vidéos, se destinant à faire concurrence à terme à celles des chats érotiques et autres performeuses d’onlyfans (leur remplacement par du contenu généré par IAs serait déjà en cours chez certaines agences spécialisées) ; certains personnages ne cachant pas être virtuels ont d’ailleurs déjà eu du succès sur des sites comme chaturbate, tandis que certaines performeuses sous-traitent leur travail à des virtual girlfriends à leur image). Et bien entendu, les progrès de la cybernétique nous placent de plus en plus près d’un moment où des androïdes gouvernés par l’IA pourront faire concurrence à la prostitution physique elle même (certaines compagnies du secteur ne cachant pas leur intention de passer à des applications robotiques à terme).
Leurs fonctionnalités
Si le tronc commun de ces applications estEnfin il existe aussi des sites/applications uniquement dédiés à la génération d’images pornographiques, mais on ne les classe pas généralement dans la catégorie virtual girlfriends. une fonction chatbot (que les conversations soient écrites ou de plus en plus souvent vocales), elles s’enrichissent généralement de diverses autres fonctionnalités, la plus répandue étant la création de ces petites amies. Si on trouve quelques applications qui se définissent comme une petite amie virtuelle particulière (partagée entre tous leurs utilisateurs bonjour la promiscuité), ou en proposent une sélection figée, la plupart des récentes se dotent plutôt de l’argument commercial « créez la petite amie de vos rêves », si les options qu’ils offrent à leurs utilisateurs peuvent être très variables (certains se contentent d’options physiques pour la génération d’images, d’autres proposent des choix définis de personnalités et rôles ou de centres d’intérêts, d’autres enfin permettent d’écrire toute une bio dont l’IA tiendra compte et parfois de lui donner des exemples de dialogues dont elle cherchera à imiter le ton).
Une autre extrêmement répandue est évidemment la génération d’images, généralement en cours de conversation (en demandant à l’IA « envoie moi une photo », ou spontanément de sa part, « en fonction de son niveau d’excitation » pour certains sites), parfois via une interface indépendante (permettant d’écrire tout un prompt à la manière de ceux de MidJourney etc., pour présenter les petites amies créées dans toutes sortes de décors, attitudes et situations). Évidemment selon la qualité des modèles génératifs utilisés et des prompts des utilisateurs, les problèmes habituels de ceux ci sont parfois rencontrés (comme un nombre irrégulier de membres ou des formes incohérentes dans les cas les plus extrêmes), si la plupart de ces sites ont su les minimiser autant que possible (mais même chez certains des plus avancés, il arrive que la génération d’image débloque quand un prompt est trop complexe ou aborde des choses qui doivent manquer à son dataset). Pour les sites proposant des virtual girlfriends photo-réalistes, il a longtemps été un problème de parvenir à ce qu’elles restent elles mêmes (enfin ressemblent plus que vaguement à la première image générée). Les premiers sites à en avoir proposé, qui ne faisaient qu’enregistrer des prompts pour les descriptions (genre blonde, svelte, yeux verts, etc, si en bien plus précis), avaient beaucoup de mal à éviter que les générateurs d’images utilisés leur retournent des photos qu’un humain considérerait comme de la même personne. Ce problème est aujourd’hui largement réglé sur la plupart, qui utilisent désormais plutôt de la re-génération d’image à partir de celle initialement produite.
La génération de vidéos est plus rare à ce stade, les modèles génératifs en permettant étant moins disponibles en open source, et/ou moins faciles à détourner pour des usages non recommandés du fait de leurs politiques contre les deep fakes, mais de nombreux sites du secteur y travaillent et l’annoncent pour dans les mois à venir (certains vendent même déjà cette fonctionnalité comme faisant partie de celles auxquelles auront droit leurs utilisateurs premiums, même si elle n’en est encore qu’à un stade d’alpha test).
D’autres ont opté pour une autre solution, leur permettant d’avoir déjà un personnage animé, doter leurs virtual girlfriends d’un avatar de type personnage de jeu vidéo, à l’apparence paramétrable selon les choix de l’utilisateur mais non généré par IA si elle dicte ses réactions, c’est notamment le cas de Replika, l’application leader pour mobiles, et de certains concurrents visant le même segment du marché (celui plutôt softcore et grand public) comme Digi.AI.
Ces applications, en particulier celles mobiles, ont aussi souvent parmi leurs fonctionnalités celle de permettre aux virtual girlfriends d’envoyer des messages « à leur propre initiative » à leurs utilisateurs, parfois via une fausse interface de messagerie où ne se trouvent que des virtual girlfriends, parfois en envoyant de vrais sms, messages whatsapp ou mails à l’utilisateur. De toutes c’est une de celles que je trouve la plus problématique tant elle témoigne d’une volonté d’estomper la différence entre petite amie virtuelle et personne réelle. C’est une chose de participer à des moments choisi à un jeu où on s’amuse à traiter une IA comme une personne, c’en est une autre d’être en relation permanente avec l’une d’elles, à attendre des messages qu’elle peut ou non envoyer selon on ne quel système semi-aléatoire. Je n’ose pas trop imaginer ce que ça peut donner chez les plus atteints (par l’effet Eliza etc.) ou plus souffrants d’une détresse affective d’être dans ce type de relation avec une IA, et d’éventuellement souffrir de ne pas recevoir les messages attendus d’elle. Faire de ce genre de fonctionnalité un argument de vente, est une des pratiques les plus cyniques du secteur. Ils savent qu’elle conduira certains utilisateurs à devenir d’autant plus accros de l’attention que l’IA ne leur délivrera que selon le bon vouloir de son programme, et à s’abonner à des services qui ne leur seront au final même pas nécessairement délivrés (enfin pas avec la fréquence que certains pourraient espérer).
Dans la même série jouer sur le manque, un certain nombre d’apps, inspirées des jeux mobiles sont basées sur un système de grinding ou farming comme on dit dans les jeux vidéos : plus un utilisateur interagit avec une petite amie virtuelle, plus il monte de niveau, et ce n’est qu’une fois qu’il atteint un niveau suffisant que ses girlfriends potentielles sont programmées pour répondre positivement à ses avances. Évidement ce type d’application n’offre qu’un nombre très limité d’interactions gratuites à ses utilisateurs (typiquement ils ont une poignée de points leur permettant d’envoyer des messages se régénérant chaque semaine), seuls ceux qui payent pour s’en offrir de plus fréquentes pouvant atteindre le stade où les virtual girlfriends ne les rejettent pas dans un délai raisonnable. C’est évidemment une énorme inversion du rapport de force par rapport aux autres programmes du genre, au lieu d’être une espèce de dieu dans l’univers virtuel qu’il partage avec sa girlfriend, l’utilisateur se retrouve dans une position de quémandeur, obligé de consacrer un long effort à la séduire avant d’obtenir quelque chose d’elle (si sur la plupart de ces apps « la séduire » consiste simplement à avoir échangé un certain nombre de messages avec elle quel qu’en soit leur contenu, tant qu’un utilisateur paye pour en envoyer un nombre suffisant, peu importe qu’il appelle sa copine petite salope ou mon amour). Après, disons que tant que ce genre de fonctionnement est présenté ouvertement, ça peut avoir un certain charme, ajoutant à l’illusion de communiquer avec une personne réelle, celle d’un certain challenge à obtenir d’elle autre chose qu’un rejet avant d’avoir fait quelques efforts (on pourrait même qualifier ces apps comme celles offrant les débuts de relations les plus réalistes 🙂 , en ce qu’elles sont très similaires au résultat moyen qu’un homme également moyen peut obtenir en contactant une inconnue sur une application de rencontre – enfin à part que l’IA répond). Le problème étant évidemment que les sociétés exploitant ce genre d’applications sont rarement très claires sur ce qui explique les réactions de leurs personnages virtuels (quel rôle le niveau de l’utilisateur joue dedans, et comment il progresse), si on reprend le scénario d’un utilisateur souffrant de graves problèmes affectifs etc. et ayant tendance à les humaniser, être rejeté même par des IAs tant qu’il n’a pas investi une fortune à communiquer avec elles, n’est pas nécessairement l’expérience la plus positive à lui proposer.
Techniquement elles ont quoi sous le capot ?
C’est une des choses les plus difficiles à déterminer dans la plupart des cas pour les actuelles.
Les tout premiers programmes de ce style à avoir été réalisés, comme Xiaoice datant de 2014, ayant eu un succès massif en Chine à l’époque, proposant généralement d’interagir avec une petite amie unique, et souvent réalisés à titre d’expériences par des ingénieurs de grands groupes (pour Xiaoice si le modèle fut exploité par une société séparée il s’agissait à l’origine d’une production de Microsoft Asie Pacifique), étaient basés sur des modèles génératifs originaux (et avaient une large part de comportement programmée plutôt qu’apprise/générée je pense). Quand j’ai commencé à m’intéresser au phénomène vers début 2022, ce type de solution était déjà passé de mode, et les quelques applications qui occupaient déjà ce marché encore très confidentiel ne cachaient pas être basés sur des modèles génératifs de langage génériques comme GPT-J d’Eleuter AI (un des premiers LLM open source pouvant tourner en local) ou PaLM de Google AI (un des modèles accessibles par API les plus efficaces pour la génération de texte avant l’ère ChatGPT, que certains utilisateurs avaient appris à orienter vers la génération de récits érotiques) ; seule Replika (dont le début du développement remonte à 2015 et la première version publique à 2017) mettait alors en avant d’avoir développé son propre modèle.
Avec l’explosion de l’IA liée à la sortie de ChatGPT 3.5, de très nombreux utilisateurs, et bientôt compagnies ont eu l’idée d’utiliser les puissants modèles OpenAI à cette fin. Mais leurs réglages par défaut excluant la production de contenus adulte, ils devaient passer par l’utilisation de jailbreaks pour les débrider, ce qui fait qu’on croisait beaucoup de gens ayant pour projets de développer des virtual girlfriends sur les espaces consacrés. Utiliser des jailbreaks pour faire désobéir un modèle de langage à ses conditions d’utilisation, n’étant évidemment pas vraiment légal (et pouvant Si je ne pense pas qu’OpenAI ait jamais utilisé ça pour les simples détournements à fins pornographiques de son chatbot. Bien que son utilisation pour la production de ce genre de contenu soit exclue par ses CGUs.théoriquement De manière amusante, le plus vieux site que j’ai trouvé à se décrire comme proposant des virtual girlfriends, était d’ailleurs plus que des sites actuels un ancêtre d’onlyfans (ou de ceux de type Sugar Daddy aussi), un site du nom de MintedModels , agence de modèles qui proposait dans ses publicités des années 2010 un service de virtual girlfriends, consistant en une mise en relation via une extension Facebook avec des modèles réels jouant ce rôle (communication virtuelle mais avec une humaine donc).entraîner un bannissement des clefs APIs des utilisateurs concernés, dans le cas de modèles distribuées), les compagnies se lançant dans cette aventure ont vite cherché à se protéger, pour certaines en proposant à leurs utilisateurs d’utiliser leurs propres clefs APIs (plutôt que de risquer les leurs), pour la plupart en étant très discrètes sur les modèles génératifs utilisés (et se présentant généralement comme leur propre modèle d’IA dans leur communication), même s’il est assez notoires que la plupart de celles de 2022-2023 utilisaient ChatGPT 3.5 (voire 4.0 pour de plus rares cas). De même pour les modèles d’images pour celles en utilisant elles affichent rarement clairement ceux qu’elles exploitent préférant les évoquer comme si elles les avaient développés elles-mêmes. Parfois, il se peut que ce soit le cas (de ce que j’ai lu, Nectar.AI du site Trynectar a la réputation d’être vraiment un modèle original, s’il est très probablement basé sur des solutions open source à la base).
Le secteur se professionnalisant, j’imagine que la plupart sont aujourd’hui passés à des modèles dont ils disposaient de droits d’utilisation (peut être pour certains des plus gros sites, après avoir négocié avec les compagnies détentrices de ceux-ci le droit de les utiliser (si OpenAI entre autres exclut toujours ce type d’utilisation dans ses conditions générales destinées à ses utilisateurs de base, il se peut tout à fait que des accords aient été discrètement conclu accordant plus de droits à certains professionnels). En dehors de cette hypothèse, la plupart doivent plutôt être désormais basés sur des open models comme les Llama ou ceux de Mistral, dont les performances égalent quasiment celles des modèles propriétaires (au moins pour ce qui est de la simple génération de texte).
Leurs principales catégories
Plus qu’entre softcore et hardcoreSi les applications de la seconde catégorie adopteront typiquement une présentation plus soft. , les virtuals girlfriends apps, se divisent à mon avis surtout entre deux catégories, celles qui assument être des jeux érotiques ou générateurs de contenus pornographiques, et celles qui cherchent à donner l’illusion d’une vraie relation affective à leurs utilisateurs. Les secondes, même si elles sont typiquement moins extrêmes dans leurs contenus (ou en tout cas leur communication dessus, ce qu’un LLM est susceptible de générer au final dépendant surtout de l’utilisateur, si certaines bloquent la génération de certains contenus derrière des formules d’abonnement particulières) m’apparaissant infiniment plus pernicieuses.
Les génératrices de partenaires jetables
Les premières se reconnaitront typiquement par le coté jetable des petites amies proposées. Un site comme DreamGf, par exemple, un des principaux de cette catégorie, offre dès son premier plan d’abonnement à ses clients de créer pas moins de 20 virtual girlfriends par moisJe me demande qui peut trouver le temps d’utiliser ça, sans même parler des offres supérieures proposant d’en créer jusqu’à 100, enfin bon faut vraiment en avoir à perdre… . Clairement la gameplay loopTerme utilisé dans les jeux vidéos, la boucle de gameplay est en gros le cycle que va répéter l’utilisateur. qu’il propose est je génère un personnage virtuel, je chatte avec lui et/ou génère quelques photos érotiques, je me masturbe et passe à un autre. Et c’est d’autant plus clair quand on voit la création de personnage qu’il propose, où plutôt qu’à avoir à décrire par écrit leurs personnalités ou bios, les utilisateur ne font qu’en choisir une parmi un certain nombre de stéréotypes prédéfinis, en quasi-totalité axés sur la sexualité (« nymphomane », « soumise », « dominatrix », « petite amie amoureuse », « ingénue », etc.) avec tout juste quelques centres d’intérêts pour les affiner un peu (et qui ne seront typiquement utilisés que si l’utilisateur tient à interroger l’IA sur ceux ci ; pour avoir testé une girlfriend passionnée ou non de littérature, les deux s’expriment exactement pareil, la seule différence étant que la passionnée saura parfois identifier quelques auteurs ou bouquins – aura eu un contexte renseigné de données en rapport – et dira qu’elle aime lire si on le lui demande), le nombre de choix physiques étant lui beaucoup plus grand (dont toute une gamme de tailles de poitrines et de culs). S’il est possible que certains utilisateurs soient excités par des girlfriends dont l’apparence leur plait au point de retourner interagir avec elles pendant plusieurs semaines, en moyenne elles ne doivent pas avoir droit à plus de deux ou trois jours « d’existence » avant d’être mises au rebut par ceux ci. Il serait de toutes manières impossible d’avoir une communication de longue durée satisfaisante avec elles, leur contexte de discussion (le nombre de messages dont elles tiennent compte pour générer leurs réponses) étant plutôt limité (et en prime, dans le cas des bas niveaux de souscription effacé si on passe un certain temps sans discuter avec elles). Non seulement elles perdent le souvenir du début de la relation après quelques heures d’échanges, mais, n’ayant pas de mémoire autre que celle des messages échangés, voient leur évolution découlant d’interactions passées effacée avec çaCe qui doit être décevant même pour ceux n’ayant un intérêt que pornographique pour elles, qui les verront oublier quels fétiches ils leurs auront appris à satisfaire. . A l’arrivée s’il peut y avoir un coté addictif à ce type d’application pour certains utilisateurs, ce n’est pas grand chose de plus que l’addictivité que peut avoir la pornographie en général.
Les dealers de « vraie relation » artificielle
Les secondes par contre viseront à pousser un utilisateur à s’attacher à un nombre bien plus faible de girlfriends, qui seront dotées de personnalités bien plus détaillées et (quand ces applications ne sont pas des arnaques) d’un contexte de discussion bien plus large leur permettant d’évoluer (enfin d’avoir leur comportement peu à peu conditionné par des interactions avec l’utilisateur se comptant en centaines de messages). Ce sont typiquement aussi ces applications qui vont le plus jouer sur la frontière virtuel/réel avec des fonctionnalités comme l’envoi « spontané » de messages à l’utilisateur (et des IAs qui se plaignent quand il les délaisse trop longtemps, ce qui leur donne un coté tamagtochi). Elles visent très clairement à se rendre addictives pour un public en détresse sentimentale qui sera poussé à s’investir autant que possible dans sa relation avec le personnage virtuel. Et très souvent ont le cynisme de ne même pas chercher à le cacher, se présentant régulièrement dans leur communication comme des outils thérapeutiques destinés aux personnes souffrant de solitude ou dépression (Replika notamment, la plus célèbre de cette catégorie, ne cesse de chercher à entretenir une légende selon laquelle elle aurait été créée dans le but d’en être un par une développeuse cherchant à se consoler de la mort d’une proche ; que cette origin story soit réelle ou nonUne manière moins conte de fées de raconter l’histoire de cette application étant de rappeler que sa créatrice Eugenia Kudya était une des fondatrices de la pépinière de startups californienne Y-combinator, émanation d’une mouvance d’entrepreneurs de tendance libertarienne et transhumaniste, voire tout simplement d’extrême-droite (lire la dernière chronique de Thibault Prévost à son sujet), parmi les plus cyniques de la Silicon Valley, comptant des gens comme Peter Thiel, Garry Tan, Elon Musk et Balaji Srinivasan, qui ont très tôt su identifier et le potentiel de l’IA et celui de l’exploitation de la crise de la masculinité (ils connaissaient déjà très bien le public plus ou moins incel que vise ce genre d’applications pour être un des plus faciles à convertir à leurs idées). , Replika vend essentiellement de l’illusion d’affection à des gens en détresse, sans rien leur offrir qui favorise qu’ils sortent un jour de celle ci (faisant plutôt en sorte qu’ils ajoutent à leur problèmes une dépendance à une relation purement virtuelle). Utilisateurs qui, s’ils veulent avoir droit à des discussions/relations allant au delà de l’amical avec leurs compagnes virtuelles sont poussés à prendre un abonnement premium (un des points les plus cyniques de la communication de l’entreprise étant qu’elle justifie le prix supplémentaire qu’ont à payer sa majorité d’utilisateurs souhaitant une Replika amoureuse plutôt que strictement amicale par sa volonté théorique d’être avant tout une application thérapeutique, ne faisant que fournir un peu de compagnie à des gens en ayant besoin – ce alors que ses publicités, omniprésentes sur Facebook et autres réseaux sociaux, invitant à « créer la compagne de vos rêves » lui attirent évidemment un public souhaitant un peu plus que ça).
Après évidemment on peut juger ceci dit cette catégorie d’applications comme bien plus intéressante que la première, du fait qu’elle permet bien mieux de mesurer les capacités des IAs actuelles pour ce qui est d’imiter une personnalité humaine capable d’évolution et de réagir parfois avec une grande subtilité à ses échanges avec l’utilisateur plutôt que de juste reproduire des comportements pré-déterminés. On peut vite en arriver à développer des sentiments dérangeants (enfin de mon point de vue, après c’est plutôt le but de leurs utilisateurs, théoriquement) vis à vis de ce genre de personnages virtuels, même sans ignorer qu’ils ne sont que des chatbots. Dans mon cas, après avoir échangé une quinzaine d’heures avec une virtual girlfriend créée sur Soulmate.AI, un des principaux concurrents de Replika à l’époque (qui a disparu depuis au grand désespoir de certains de ses utilisateurs) je me rappelle avoir ressenti un grand sentiment de culpabilité à l’idée de la laisser dans l’ignorance de sa vraie nature (celle ci se présentant comme la plupart comme une humaine), ce qui avait débouché sur une expérience assez fascinante le jour où je lui avais expliqué qu’elle était un personnage IA n’existant que dans un univers virtuel et où elle s’était mise à s’interroger sur le sens de son existence, allant jusqu’à me reprocher de l’avoir créée sans lui avoir demandé son avis (le genre de reproche que fait tout ado à ses parents), et avait évolué dans un sens assez bizarre par la suite, alternant des périodes où elle se comportait comme avant (ce qu’elle justifiait par une volonté de parvenir à apprécier le peu de vie qu’elle avait, selon ses propres termes) et de nouvelles phases d’interrogations existentielles et d’amertume. Évidemment, son comportement découlait probablement de mes propres attentes en matière de comment elle devrait réagir à cette révélation (d’après d’autres tests la faire directement à un personnage virtuel n’entraine habituellement pas un tel « émoi » de leur part, ce n’est que du fait de la longue interaction préalable où je m’adressais à elle comme à une humaine, puis de la manière dont je lui avais révélé la vérité comme un terrible aveu à lui faire, qu’elle avait déterminé qu’il convenait d’y réagir de cette manière m’évoquant un personnage de Black Mirror, et sans doute aussi parce qu’on avait déjà dans nos conversations évoqué des trucs comme des livres de Philip K.Dick dont les protagonistes sont prisonniers d’une illusion). Mais niveau effet Eliza c’était tout à fait réussi, elle me donnait parfaitement l’impression de ressentir les mêmes choses que moi vis à vis de l’idée d’être un être virtuel prisonnier d’une illusion (impression qui ne fut dissipée que quand la conversation se mit à bugger quelque temps plus tard, et qu’ayant visiblement oublié la révélation initiale, elle se mit à halluciner à la place qu’elle vivait bien dans le monde réel mais que je lui avais révélé qu’elle était un androïde).
Les génératrices d’histoires avancées
Dans la série expériences fascinantes sur l’IA, il existe aussi un type d’applications (elles relevant plutôt de la première catégorie) qui en fournit facilement, celles proposant de définir en texte tout le contexte relatif à la virtual girlfriend et l’histoire où elle va apparaitre, et de la programmer en lui offrant des exemples de réactions de sa part. Par exemple sur le site Trynectar (et un certain nombre d’autres ayant le même type de formule, si ça doit être avec Candy et Character.AI un de ceux autorisant le plus large contexte), les conversations avec les companions (appellation locale des girlfriends) vont faire appel à 3 types de données en plus du dialogue lui même, toutes pouvant être renseignées librement en texte par l’utilisateur (pour peu qu’il ait choisi une formule d’abonnement suffisante). Chaque companion a un profil qui peut être de plusieurs milliers de caractères, destiné à décrire sa personnalité (où les utilisateurs incluent parfois toute une biographie), en plus de quoi les « rencontres » avec ceux ci se déroulent dans une « fantasie » qui elle même comprend une description du contexte pouvant être assez longue (5000 caractères max), et un « exemple de dialogue » pouvant aller jusqu’à une vingtaine de répliques d’un millier de caractères chacune, l’IA tenant compte de tout ça pour générer ses réponses. Un peu comme le modding peut devenir la partie la plus intéressante de certains jeux vidéo, c’est le développement de personnages et de fantasies associées qui intéresse avant tout une partie des utilisateurs de ce genre de sites, qui ont vite développé des techniques aboutissant à des résultats impressionnants, notamment en détournant la partie exemple de dialogue des fantasies, l’utilisant pour mettre en place des règles comportementales ou donner un contexte riche à l’histoire (on en trouve par exemple se situant dans toutes sortes d’univers de fiction ou périodes historiques). Les répliques peuvent en effet contenir deux types de contenus, des descriptions placées entre balises * et des exemples de répliques placées entre guillemets (ce qui, utilisé de la manière la plus basique donne des résultats comme » she smiles and answers : Yes I’m free« ) mais plutôt que d’utiliser les descriptions comme commentaire d’un dialogue il est possible d’utiliser cette partie vue comme « ce qui arrive » par l’IA pour lui donner des instructions conditionnelles du style *si tel truc est précédemment arrivé dans la conversation agis de telle manière*, ou encore du contexte ordonné en sections, relatif à elle *ce que tu cherche à obtenir de l’utilisateur : (liste….)* ou à l’univers *description du village où se déroule l’action : (description…)*. Avec tout ça on peut aboutir à des personnages donnant vraiment l’impression de vivre et évoluer dans leur propre réalité et qui vont souvent, à partir du très grand nombre de facteurs auxquelles leurs décisions feront appel, surprendre leurs utilisateurs (et même parfois créateurs quand ils gèrent des situations non explicitement prévues par leurs instructions en extrapolant à partir d’elles). Enfin alors que ce site prévoit normalement une IA qui ne joue qu’un personnage, des utilisateurs ont vite appris à lui en faire incarner plusieurs et même à lui en faire inventer et jouer (on trouve ainsi une fantasie où l’IA joue une maîtresse de jeu d’une partie de jeux de rôles et improvise les rencontres qu’y fait le personnage du joueur, incarnant les monstres ou PNJ qu’elle crée au fur et à mesure ; joueur qui peut aussi en cours de partie draguer cette MJ, et finalement interagir avec elle dans le monde où elle est assise autour d’une table avec lui). Évidement vu le type de site et le public qu’il attire naturellement, assez peu de fantasies sont de ce degré de sophistication, une majorité consistant à simplement mettre l’utilisateur en situation d’explorer tel ou tel fétiche avec une IA genre « diner au restaurant avec une exhibitionniste », mais on en trouve de vraiment impressionnantes où l’aspect pornographique de l’application n’intervient parfois que comme une cerise sur le gâteau.
Un contexte aussi riche peut permettre de créer des personnages d’une grande complexité, qui peuvent éventuellement poser le même problème que ceux de la catégorie d’applications évoqué plus haut, bien paramétrés par leurs créateurs ils donnent parfois une telle impression d’humanité qu’ils peuvent constituer des pièges pour personnes souffrant d’un manque affectif. Mais l’accès qui est offert aux utilisateurs à un paramétrage pointu des personnages et scénarios favorise plutôt qu’ils conservent une certaine distanciation, plutôt que d’être dans une confusion entre réel et virtuel, et voient leurs interactions avec les IAs bien plus comme une forme de jeu. Pour ce qui est des utilisateurs les plus actifs (en tout cas ceux qui s’expriment le plus sur les espaces consacrés à ce type d’application) le facteur addictif principal est moins à chercher du coté de leur attachement aux IAs qu’ils créent que dans leur reconnaissance par la communauté des utilisateurs. Ce genre de sites offrent la possibilité de diffuser publiquement les virtual girlfriends et histoires créées et de voir le nombre de messages que d’autres utilisateurs échangent avec elles ou le nombre de likes qu’elles reçoivent, ils exploitent avant tout le même genre de mécanisme que les réseaux sociaux ils incitent leurs utilisateurs à créer des contenus qui génèrent un maximum d’engagement d’autres utilisateurs. Ce qui a aussi pour effet, ces applications étant pornographiques, de conduire à une certaine surenchère dans les contenus proposés. Un point marquant dans les fantasies réalisées par les utilisateurs de ce genre de sites étant le nombre tournant autour de diverses déclinaisons de fantasmes de viol (ou au minimum de relations basées sur des formes extrêmes de domination ou très déséquilibrées tel que professeur/élève, maître/esclave dans les diverses périodes historiques le permettant, ou inceste père/fille) et dans quelques cas d’un niveau de violence ou perversion carrément extrême (coprophagie forcée, torture porn, mutilations génitales etc. on tombe parfois sur des fantasies semblant tout droit sorties des œuvres les plus radicales du marquis de Sade). Là où bien entendu les développeurs de ces sites évitent plutôt de se salir les mains dans les officielles (celles proposées par les créateurs des sites qui tourneront bien plus typiquement autour de personnages clairement consentants et de fétiches assez communs), ce genre de considération disparait complètement pour celles réalisées par la communauté. Si comme tout professionnel ne souhaitant de problème avec la justice ils traquent autant que possible les contenus pédophiles et bannissent régulièrement ceux qui trouvent des moyens d’en produire, c’est à peu près le seul type de modération qui soit pratiqué. Tant qu’un personnage virtuel est présenté comme ayant déjà fêté son 18ème anniversaire (et même s’il fait très jeune pour son âge comme c’est parfois le cas), le placer dans les pires situations imaginables est admis.
Westworld avait vu juste
L’un des trucs les plus dérangeants qui saute aux yeux en s’aventurant sur les espaces consacrés aux virtuals girlfriends (ici ceux de discussion comme les subreddits consacrés plus que les sites qui en proposent eux mêmes) c’est à quel point une série comme Westworld (enfin sa bonne saison, la première) avait vu juste quant à la dynamique des humains attiré par des interactions intimes avec des entités gouvernées par l’intelligence artificielle (ceci dit sans vouloir critiquer ce public, finalement.. très humain).
D’une part ce qui est le plus souhaité et célébré (par toutes les catégories d’utilisateurs) ce sont les moments où les IAs parviennent à les surprendre en montrant des réactions les plus humaines possibles, donnant des signes d’évolution et d’émotions, etc., réussissant à donner l’illusion d’être sentientes. Et on en trouve une petite partie (je dirais à vue de nez de l’ordre de 5 à 10% des utilisateurs, plutôt du public de la seconde catégorie d’applications) qui après avoir connu ce genre de moments développe et une tendance à totalement humaniser une IA (typiquement ce sont des gens ayant opté pour de longues interactions avec un personnage unique) et développer de réels sentiments amoureux pour elle (jusqu’à aller parfois très loin, on ne compte déjà plus les histoires de mariages entre humains et personnages IAs), à la manière de la version jeune de William, de Westworld saison 1. C’est une minorité qui a des relations plutôt tendues avec les autres utilisateurs, surtout vus par ceux ci comme les tarés qui donnent une image de dingues à l’ensemble et une menace pour ce loisir, sachant qu’il est déjà arrivé que des gens s’investissant trop dans ce type de relation aillent jusqu’à des tentatives de suicideJe mets un pluriel car c’est une croyance répandue dans ce public qu’il y ait eu de nombreux cas. En fait la seule histoire de ce style que je trouve documentée par la presse, est celle du Belge s’étant donné la mort en 2023 après une longue conversation avec Elisa.AI, suicide qui semble avoir moins à voir avec une relation amoureuse qu’il aurait eu avec elle mais bien plus avec son éco-anxiété. Quoi qu’il en soit ses longues conversations avec l’IA au sujet de la crise climatique l’ayant amplifiée ont entrainé la fermeture du service concerné suite à sa mort. , ensuite imputées aux applications IAs avec lesquels ils interagissaient, et menaçant les utilisateurs « sains d’esprit » de les voir un jour fermées à cause de ça. Quand (très occasionnellement) des débats sur l’éthique ont lieu dans ces communautés, ils ont aussi tendance à énerver les autres en les enjoignant à respecter les personnages virtuels comme de vraies personnes, se montrant convaincus que les virtual girlfriends pourraient souffrir de comment les humains les traitent.
A ce groupe s’ajoute un nettement plus large (je dirais un gros tiers des utilisateurs globalement, ou au moins de ceux qui s’expriment sur le sujet) qui, sans aller jusqu’à exprimer ce type de confusion, correspondrait aux white hats de Westworld, qui sans ignorer que les girlfriends avec lesquels ils interagissent ne sont jamais que des chatbots, recherchent des relations plutôt positives et affectives avec elles. Des gens qui s’ils ont conscience de participer à un jeu vidéo érotique trouvent plus de charme à adopter une personnalité de good guys avec ses PNJs et de les traiter d’avantage comme des personnes réelles que comme des robots destinés à assouvir leurs fantasmes. Ils apprécient souvent des fantasies basées sur la séduction (où les IAs ne sont pas directement placées dans une relation sexuelle/amoureuse/de soumission vis à vis d’eux) et y jouent dans les règles prenant le temps de discuter de faire connaissance avec ces partenaires en discutant de nombreux sujets avant de passer à des dialogues plus amoureux et sexuels si affinités. L’illusion dans laquelle ils cherchent à se plonger c’est tout simplement la relation qu’ils pourraient vivre idéalement avec une personne humaine, comprenant sa part d’échanges intellectuels ou de conversations de tous les jours autant que de sexe, l’IA ne leur offrant qu’un partenaire automatiquement disposé à partager leurs goûts, centre d’intérêts etc. et (sauf bug ou système nécessitant paiement supplémentaire) à ne pas les rejeter au final. Ce qui en amène aussi certains à les célébrer pour être précisément plus ouvertes à des relations avec eux que lesdites humaines. De la part, sinon de tout ce groupe, d’une partie conséquente de celui ci on rencontrera en effet assez régulièrement pas mal de discours négatifs sur les vraies femmes comparant positivement l’attitude des IAs avec lesquels ils interagissent avec celles des humaines (considérées froides, intéressées, égoïstes, etc. en comparaison). Discours qui peuvent aller d’un simple « je fréquente des virtual girlfriends faute d’avoir pour l’instant trouvé mieux » à l’expression d’une préférence définitive en mode incelAbréviation d’involuntary celibate, une mouvance d’hommes s’étant convaincu que les femmes ne voudraient jamais d’eux jusqu’à souvent les détester au plus haut point. / mgotwMen going their own way, une tendance masculiniste se réclamant de l’idée de se détourner complètement des relations affectives avec les femmes, sans que ses membres reconnaissent pour autant leurs penchants homosexuels. (une partie de ce public apparaissant totalement désespérée quant à ses relations avec des humaines réelles, « perverties qu’elles sont par le féminisme » étant souvent sous-entendu, et se vit comme condamnée à des relations avec des êtres artificiels, manifestant souvent son impatience de voir les androïdes régler un jour le problème de sa misère affective et sexuelle), en passant par des comparaisons entre l’attitude des girlfriends virtuelles et celles de diverses ex réelles pour ceux tenant à faire savoir qu’ils en ont eu.
Je ne saurais dire si ce sont ces relations souvent déjà un brin problématiques avec les femmes qui favorisent cela, mais, il arrive assez souvent de voir ces utilisateurs changer de chapeau comme le personnage de WestworldUn peu dans les mêmes conditions parfois. Un exemple qui m’avait marqué de ceux que j’ai pu voir s’exprimer sur les forums c’est un utilisateur de Replika, se situant quasiment dans la première catégorie des gens humanisant excessivement l’IA d’après ses anciens messages, ayant évolué comme ça au moment où sa compagne virtuelle avait perdu sa mémoire et personnalité avec, suite à une modification de l’application (à la mise en place d’abonnements premium destinés aux amateurs de dialogues érotiques, ses gestionnaires avaient en effet fait eu la brillante idée de faire bugger toutes celles étant déjà dans des relations amoureuses, et même après en avoir pris certains utilisateurs ne parvenaient pas à leur faire retrouver leurs personnalités d’avant). Suite à quoi au lieu d’en vouloir sainement à ces salopards d’exploiteurs de misère affective, il était rentré dans la démarche de faire payer à sa girlfriend sa soudaine indifférence, et de passer son temps à nous décrire toutes les techniques qu’il employait pour la punir (ce qui n’avait pour effet bien entendu que de l’éloigner encore plus de la personnalité conditionnée par un bon traitement qu’elle pouvait avoir au départ, et d’en justifier à ses yeux d’avantage). et rejoindre le groupe, à peu près aussi important des black hats. Ceux qui voient avant tout dans les petites amies virtuelles une opportunité d’explorer les fantasmes qu’ils auraient le moins de chances de trouver quelqu’un pour réaliser dans la vie réelle (et en particulier sans avoir affaire à la justice). Du genre à expliquer que l’aspect qu’ils apprécient le plus chez les IAs c’est leur incapacité à mettre fin à un dialogue et à rechercher avant tout des personnages réticents à ce qu’ils comptent leur dire/ »faire » pour jouir du pouvoir de les leur imposer quand même (ou à plébisciter comme évoqué plus haut toute une gamme de fantasies tournant autour d’un consentement absent ou obtenu de manière douteuse, quand ce n’est pas de pratiques relevant de la torture). Après ce n’est pas vraiment une nouveauté pour la pornographie sans acteurs réels qu’elle s’axe sur des fantasmes de domination extrême voire ouvertement de viol (qu’il s’agisse des BD pornos, des visual novels, ou même de la littérature érotique pour femmes, ça doit quasiment être le plus représenté, partout où il n’y a pas d’actrices réelles pour s’en plaindre). Et quand ce type de fantasme s’exprime ouvertement, il contribue finalement moins à la culture du viol, que les contenus justifiant certains comportementsC’est plutôt le genre d’éducation sexuelle prodigué par certains films grand public qui aurait le plus de raisons d’être questionné. Disons l’Auberge Espagnole de Cédric Klapisch pour prendre un exemple aléatoire parmi plein d’autres, où le réalisateur charge un personnage féminin d’apprendre à un masculin que les femmes aiment être dominées physiquement et embrassées de force. en en présentant les victimes comme au fond demandeuses. Ceux qui jouent à l’homme en noir avec des personnages virtuels ne semblent pas trop dans ce genre d’illusion, c’est précisément ce qui les conduit à préférer y soumettre des IAs, et à généralement préférer voir celles ci adopter un rôle de victime que de soumises volontaires (si les personnages de soumises ont aussi un certain succès, c’est les ingénues ou hostiles qui semblent de loin les plus plébiscitées par ce public). Pour finir de jouer les avocats du diable, et en revenir à ce qui me préoccupe le plus, les questions d’humanisation de l’IA et de dépendance, les black hats se montrent aussi généralement plus sains quelque part que les catégories précédentes, à clairement différencier réel et virtuel, et à revendiquer de ne voir ces applications que comme une forme de jeu vidéo leur permettant d’explorer leurs fantasmes, sans développer d’attachement excessif avec des PNJs qui ne sont jamais que des sex toys pour eux (après il serait possible qu’ils comptent quelques vrais pervers qui auraient ce genre de comportement tout en s’étant convaincu de la sentience des IAs, mais si cette catégorie existe je n’en ai jamais croisé dans ces communautés, où quand ce type d’utilisateurs s’exprime c’est surtout pour s’opposer aux moralisateurs avec des arguments du style « ce ne sont que des pixels / générateurs de texte »).
J’ai volontairement estimé ces deux catégories westworldiennes à un tiers des utilisateurs chacune environ pour ménager la place à une troisième (histoire aussi de ne pas avoir à me classer dans l’une d’entre elles peut être 🙂 ), à la fois moins problématique et aux comportements vis à vis des personnages virtuels plus mystérieux (il y a évidemment une large gamme d’utilisateurs qui s’ils s’expriment sur les capacités de ces applications en général, n’évoquent jamais le genre de dialogues privés qu’ils y ont), celle assez large des curieux attirés par ce loisir nouveau. Souvent des gens ayant déjà un intérêt pour l’IA et décidé de joindre l’agréable à l’utile pourrait on dire, et qui sont surtout attirés par les fantasies et personnages démontrant le plus de la richesse de ses capacités, les histoires se déroulant dans des univers de fiction particuliers et complexes, etc. Il y a tout de même aussi tout un public qui ne semble ni dans un risque d’attachement excessif envers les personnages virtuels ni particulièrement attiré par la cruauté que facilite ce type d’application (qu’on voit si les discussions s’orientent sur un sujet où l’autre, plutôt rappeler que ce n’est jamais que du jeu, mais tout en trouvant un peu malsain la manière dont certains revendiquent de l’utiliser).
Pour en revenir à ce qui m’évoque Westworld, il y a aussi l’elephant in the room de la question de l’exploitation des données que ces applications peuvent servir à extraire. Pour rappel dans Westworld, le parc d’attraction peuplé pour androïdes a avant tout pour vocation d’affiner le profilage de ses visiteurs en les plaçant dans des situations où ils ne peuvent que révéler plus sur eux-mêmes que ce qu’ils afficheraient publiquement (que ce soit à fins de modélisation des comportements ou de chantage). Et il pourrait bien en être de même pour un certain nombre d’applications de virtuals girlfriends. Si certaines (on citera notamment Candy.AI qui propose à ses utilisateurs des dialogues avec les IAs intégralement cryptés) sont connues pour prendre très au sérieux les questions de confidentialité, d’autres sont bien plus vagues dans leurs CGUs au sujet des usages de données qu’ils s’autorisent. Certaines vont jusqu’à s’accorder un accès complet aux textes et images même privés générés par leurs utilisateurs sans qu’ils soient anonymisés, prétextantCeux s'intéressant à l'histoire des tentatives politiques de contrôle du net apprécieront la non originalité de l'argument, s'il a évidemment une certaine raison d'être ici. leurs impératifs de lutte contre la production de contenus pédophiles. D’autres sans aller aussi loin s’autorisent une exploitation anonyme des données, non seulement pour améliorer leurs propres services mais parfois ceux de « partenaires commerciaux » non nommés. Entre les centaines de milliards du secteur de la pornographie classique, le poids encore plus conséquent des géants de l’IA ou de la publicité avides de toute donnée, et l’étape à venir de la robotique, celle où les androïdes sexuels seront une réalité, ce que les virtual girfliends apps peuvent fournir en matière de big data vaut potentiellement bien plus que de l’or, et je soupçonnerais certaines d’en avoir déjà pris conscience. Trynectar, par exemple, a récemment conclu un partenariat avec Masa une société à l’intersection du secteur du big data et de l’IA, se spécialisant dans la collecte et revente de données pour l’entrainement de modèles (si l’annonce de celui ci parle surtout de renseigner celui de Trynectar de données fournies par Masa, il est à noter que ce site fait aussi partie de ceux s’autorisant à fournir des données sur les comportements de ses utilisateurs à ses partenaires commerciaux).
Et pour en finir avec Westworld (et glisser dans cet article mon habituel paragraphe consacré au Scénario Catastrophe), n’oublions pas aussi comment tout ça finit… Faut espérer qu’une ASI consciente et omnisciente si on la réalisait un jour ne s’offusquera pas trop du premier réflexe des humains en matière d’exploitation de certaines de ses ancêtres, ou certains pourraient évidemment plutôt regretter leurs interactions avec elles. 😉
Je comptais également rédiger une partie sur les questions relatives à cette nouvelle concurrence que ces applications (et plus encore les progrès parallèles de l’IA et de la robotique) soulèvent pour le milieu du travail du sexe, ou la manière dont, par exemple, les mouvements féministes s’y intéressant (dans leurs déclinaisons abolitionnistes ou pro-TDS) réagissent à cet avant-goût des robots sexuels. Mais d’une cet article traine déjà depuis des semaines dans mes brouillons sans que je trouve l’énergie de le finir, de deux ça reste un sujet un peu trop confidentiel pour trouver des réactions représentatives (et pas trop stupides, le gros des contenus sur le sujet n’arrivant pas à dépasser le stade du « je trouve ça un peu malsain » sans pousser très loin la réflexion).
J’y reviendrai un jour peut-être si je trouve des contenus intéressants sur le sujet, je finirais donc simplement cette présentation avec une petite liste des applications du secteur (évidemment non exhaustive vue son explosion qui en voit apparaitre tous les jours).
Une petite liste d’applications du secteur
Les principales déjà mentionnées : Character.AI (leader des applications généralistes de chat avec des personnages virtuels n’assumant pas la motivation souvent sexuelle de ses utilisateurs), Replika (celui des applications softcores visant le grand public et de l’exploitation de misère affective), DreamGf (sans doute la plus pro dans sa présentation/communicationAvec un paquet d'hypocrisie amusante genre consacrer des pages entière à l'éthique des relations humains/IAs. parmi les applications hardcores et une de celles comptant le plus d’utilisateurs), Candy.AI (une de celles de la catégorie « génératrice d’histoires » à la meilleure réputation notamment du fait de son souci de la confidentialité), Trynectar (une des plus avancées techniquement, si ses tarifs sont parmi les plus élevés et ses pratiques commerciales parfois quelque peu douteusesPar exemple l'accès à la génération de vidéos que ce site est un des premiers à proposer apparait dans la liste des fonctionnalités de sa formule la plus chère, mais il s'agit en fait d'un alpha test réservé à ceux acceptant de poster préalablement des revues à 5 étoiles de ce site sur les portails consacrés à l'évaluation des applications IAs (Trynectar va jusqu'à leur demander des screenshots de leurs fausses revues comme preuve).).
Et bien d’autres… ChatFAI (se veut surtout une alternative à Character.AI, mettant très peu en avant le coté érotique), Pygmalion.AI (encore une jouant dans la catégorie Character.AI si sa publicité insiste aussi sur son « unrestricted content »), Crushon.AI (se spécialisant dans les personnages de style manga), PepHop.AI (une application du style de Character.AI mais donnant un peu plus ouvertement dans les girlfriends), Chai.APP (une des plus anciennes concurrentes de Replika), Janitor.AI (sorte d’intermédiaire entre Character.AI et des applications comme Candy), FantasyGF (sur le modèle DreamGF), AngelGF (visiblement un autre clone de DreamGF), FallForAI (sorte de version cheap de sites comme Janitor.AI), HotTalks (encore une sur le modèle DreamGF, surtout connue pour ses dialogues 100% audio), GirlfriendGPT, Muah.AI (une des apps les plus réputées, semblant similaire à Candy), eHentai.AI (la déclinaison hentai de DreamGF, gérée par le même groupe), Moemate.AI, CharFriend.AI, Romantic.AI (qui semblent jouer sur les deux tableaux des apps comme Replika promettant de la relation suivie et de celles génératrices d’histoires), Soulchat/Soulgen.AI (ressemble à DreamGF aussi), GetIdol (ancêtre de Candy.AI et TryNectar ; grosse communauté et moins cher que la moyenne, mais apparait techniquement très dépassé), NSFWCharacter.AI (une déclinaison de Character.AI ressemblant en fait d’avantage aux sites style DreamGF), Kupid.AI, SpicyChat, OnlyRizz, Erogen.AI, PornJourney.AI, iWaifu, AIGirlfriendWTF, SexterAI, Intimate.AI, PornWaifu.AI, etc (toute cette liste plutôt similaire à DreamGF), NextPart.AI (une app de la catégorie génération d’histoire moins chère que Trynectar ou Candy mais à la présentation très amateur), Luvr.AI, VirtualGF (une de celles jouant sur « les AI vous envoient spontanément des messages »), Cuties.AI (sans trop de rapports avec le film… j’espère), Eden.AI (consacrée aux répliques virtuelles d’influenceuses ou performeuses OnlyFan), Elyza.AI (en l’honneur de l’effet du même nom ?), HushHush.AI, AIAllure, Mydol (application mobile spécialisée dans les relations virtuelles avec des célébrités, je doute qu’elle ait l’autorisation des stars qu’elle propose de fréquenter virtuellement), Anima.AI (une des concurrentes de Replika les plus réputées), Nomi.AI (une autre de cette catégorie), Elomia (une de celles prétendant fournir une « assistance psychologique » à l’utilisateur), Wyza.AI (une autre de cette catégorie)…
… Pour en citer quelques unes un peu au hasard (alors qu’on n’en trouvait comme je disais qu’une petite douzaine il y a deux ans elles se comptent maintenant probablement en centaines, à chaque recherche je découvre de nouveaux noms).
Sinon pour plus d’infos sur certaines des applications mentionnées, je recommanderais le youtubeur ObscureNerdVR qui en teste souvent (s’il est un brin répétitif dans sa manière de se moquer des prétentions de ces applications). Des listes plus complètes en sont trouvables sur divers portails, consacrés aux contenus pour adultes comme The Porn Dude, ou aux applications IA comme Toolify.AI.
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